Si ce titre peut attirer un financier d’un grand groupe pensant y trouver des idées pour se débarrasser d’une partie de sa population de cadres, c’est raté.
Cet article traite de ce que les anglophones expriment par “think out of the box”. Amusant d’ailleurs que la traduction littérale de cette expression en anglais nous conduit à l’inverse : autoriser les salariés (cadres ou non) à se projeter dans une vie professionnelle différente de leur “boîte” actuelle.
Et vous, qu’évoquent pour vous ces notions de “cadre, boite, sortir” ?
Au regard du peu de visiteurs sur brindhumeur je ne m’attends pas à une foule de suggestions mais si vous vous êtes perdu ici, les commentaires vous sont ouverts, je vous lirai avec plaisir.
L’envie d’écrire cet article m’est venue récemment. J’ai la très nette impression que nos citoyens français se complaisent dans un cadre bâti par nos institutions, nos politiques. Quelques soubresauts de semi révolte collective sont parfois constatés et teintés de couleur, comme le jaune au hasard.
Globalement la télécommande dans les mains institutionnelles et politiques fonctionne plutôt bien, non ? Le confinement, la peur commune diffusée, la privation de liberté sont particulièrement bien acceptées par un peuple autrefois haut en couleur, révolutionnaire, parfois résistant (toutes proportions gardées). Un pays de culture, de patrimoine, chargé d’histoire.
La prise de conscience
Pour sortir du cadre il faut au préalable être conscient que nous agissons par réflexe ou par paresse dans un cadre : celui de nos habitudes, celui de nos socle de valeurs, de notre éducation, celui de notre environnement proche, de notre société, des institutions et des politiques.
Si ce cadre est confortable, et vous permet de naviguer au quotidien, il peut se révéler bloquant face à des situations complexes, inhabituelles, ou de choix cornéliens. Il est important de savoir identifier ces complexités, afin de s’autoriser à sortir de notre cadre courant.
Vous avez certainement eu l’occasion de résoudre des énigmes proposées par vos proches à l’occasion d’une soirée. Si vous avez buté sur la solution, c’est probablement que vous ne vous êtes pas autorisé à sortir du cadre. L’exemple d’énigme le plus probant est, de mon point de vue, celle des 9 points.
Quelques pistes pour sortir du cadre
La prise de consciente étant faite, vous serez amené à expérimenter des solutions pour vous permettre de sortir du cadre.
La piste du naïf
Pour ma part, j’utilise régulièrement la piste du naïf. Parlez de votre situation complexe à une personne de votre entourage que vous côtoyez occasionnellement, et qui a peu de chance d’avoir déjà été confronté au cas que vous devez résoudre. Vous pouvez par exemple exposer en quelques minutes votre cas à un plombier (je sais, vous vous attendez à ce que je parle de ses bons tuyaux…), un artiste, un passionné de coléoptères, etc. Evitez de préférence les professionnels de la santé, et notamment les psychologues qui risqueraient de vous facturer une consultation.
Rien que le fait de formuler votre questionnement à une tierce personne vous permettra bien souvent de trouver la réponse à vos questions métaphysiques. Et la personne naïve émettra un avis différent de celui que vous impose votre propre cadre. Je me souviens d’un ami qui hésitait entre 2 choix professionnels très différents et qui a modifié son choix en expliquant à son enfant de 10 ans sa situation.
La piste de l’évasion
“La nuit porte conseil” est une citation tout à fait adaptée à notre sujet. Si vous butez sur la solution de votre préoccupation, mettez là de côté, et laissez votre cerveau travailler la nuit pour vous !
Par évasion, j’entends la notation d’inspiration. Bon nombre d’objets créés par l’homme sont issus de l’observation de la nature, source d’idées et n’obéissant pas aux cadres des humains. Pour ma part, les sorties de pêche en solitaire me sont profitables. Une canne à la main, devant l’eau paisible d’un étang, le regard dirigé vers un bouchon bien souvent immobile… un moment de grâce qui fait office de méditation pleine conscience. J’ai déjà eu l’occasion de tenter d’entrer en méditation pleine dans le cadre “commun” : allongé sur un tapis de sol, décidé à me relaxer, je n’ai jamais supporté la voix sortie de mon téléphone m’invitant à me concentrer sur ma respiration, sur mes doigts de pied, puis mes pieds, puis mes mollets, … En pêchant, j’ai l’occasion d’écouter les bruits et les activités de la nature : un vent léger, une grenouille qui croasse, un martin-pécheur en quête de nourriture, un envol de cygnes. Et mon esprit ainsi reposé, ouvert aux stimuli positifs de cet environnement paisible m’ouvre sans effort les chakras.
La piste systématique
Pleinement conscient de la présence de mon cadre de confort, j’ai pris l’habitude de passer la plupart de mes décisions au crible du hors cadre. Appliquer cette réflexion à des décisions relativement simples vous permettra de vous sortir plus aisément des situations de décision plus complexes le moment venu. Le hors cadre, c’est comme le hors piste, autant se prendre ses premières gamelles dans la poudreuse d’une piste verte ou bleue non ?
La piste des pros
Dans certaines sociétés des démarches sont développées pour développer la créativité des salariés. Elles s’appuient bien souvent sur des principes de pensées divergentes et convergentes. Je ne m’étendrai pas plus sur ces méthodes instrumentées en entreprise car je considère que l’entreprise est un cadre à part entière. Sortir du cadre tout en restant dans le cadre ne me semble pas très efficace. À débattre !
La piste des médias
Gloups, je ne suis pas fan des médias grands publics, ni des médias sociaux qui constituent pour moi des leviers d’influence et de gavage… À débattre aussi !
En revanche, en écoutant les médias (presse quotidienne, journaux TV, publicité etc.), en consommant les médias sociaux vous pouvez prendre du recul en vous questionnant sur les principes appliqués pour structurer et diffuser des informations destinées à faire de l’audience. Si la raison d’être initiale, informationnelle, est louable, le but lucratif réel conduit les émetteurs à produire des discours et écrits touchants le plus d’auditeurs possibles. L’écoute et l’observation, avec la prise de recul requise, permettent de mettre en relief tout ou partie du cadre de référence de cette majorité d’auditeurs possibles dont vous faites probablement partie. Un pas de plus dans votre prise de conscience ! N’abusez pas trop de cette piste non plus pour éviter de vous faire embarquer malgré vous dans le cadre dont vous essayez de sortir.
Quelques exemples ?
Je me rends compte que mon article peut semble trop conceptuel, trop théorique. Aussi je souhaite partager avec vous quelques exemples vécus.
Le discours des valeurs
Dans les argumentaires existentiels prônés par bon nombre de société française, vous ne manquerez pas celui de la présentation des valeurs de l’entreprise. N’avez-vous pas l’impression de retrouver bien souvent les mêmes listes de valeurs ? “Les 5 valeurs de notre entreprise sont : l’engagement, la transparence, le partage, l’écoute, la bienveillance”. Instrument de cohésion d’équipe, et de propagande client ce genre de liste m’indiffère le plus souvent, et me dégoute régulièrement quand je prends soin de chercher dans la presse des exemples concrets de la mise en pratique des valeurs clamées.
Pour sortir du cadre, j’ai imaginé la liste des anti valeurs de l’entreprise. Elle pourrait par exemple s’exprimer ainsi :
“Nous sommes malhonnêtes, étriqués d’esprit, compliqués, malveillants et incompétents. Mais tous nos clients pensent le contraire.”
Plutôt disruptif non ?
La soutenance d’offre inversée
Avez-vous (eu) l’occasion de préparer pour votre entreprise ou pour vous même des soutenances client destinées à présenter votre démarche, votre méthodologie, et votre budget pour remporter une compétition commerciale ?
J’en ai vécu de nombreuses, et je craignais de m’ennuyer dans cette pratique à tendance routinière. Mais comment faire pour sortir du cadre dans ce contexte ? Je dois vous préciser que ma piste de solution est plus facilement applicable dans le contexte des appels d’offres privés que dans celui des appels d’offres publics. Il faut également identifier si votre client ou prospect a les chakras un peu ouverts.
Le concept que je propose ici est d’inverser les rôles… Une soutenance consiste à présenter une réponse argumentée à un appel d’offres à l’occasion d’une invitation à plaider. Cette soutenance fait souvent suite à l’envoi, de votre offre rédigée, afin que vos clients puissent en prendre connaissance en amont du rendez-vous. Pour la rédiger vous aurez reçu un cahier des charges, effectué un échange de type question-réponse et fouillé les actifs de communication de votre client : histoire, présence digitale, articles de presse. Aussi chaque partie est censée avoir une connaissance précise des attentes de l’un, et de la réponse apportée par l’autre. La soutenance pourrait dès lors être inversée : le prestataire jouerait dans ce cas le rôle du client en posant des questions pour challenger sa propre offre. Le client défendrait l’offre du prestataire en valorisant sa méthode, ses équipes, ses références.
Cette idée de soutenance inversée m’est venue récemment en fixant mon bouchon au bord d’un étang. Je vous avoue que je n’ai pas fait l’effort de la mettre en pratique.
La représentation du personnel
Une entreprise atteignant le seuil du 11ème salarié se doit d’effectuer des élections des membres du “CSE” (Comité Social et Économique). C’est le début de la joie des réunions ordinaires mensuelles, et des réunions moins ordinaires à la demande des membres du CSE. Mais comment sortir du cadre donné tout en mettant en place un autre mode de fonctionnement, moins rigide et tout aussi efficace ? La solution alternative ne peut s’appliquer que suite à un constat de carence : aucun salarié ne s’est présenté pour devenir membre de votre CSE. Je vous laisse creuser la piste alternative : Il s’agit de mettre en place une structure tout aussi respectueuse des salariés dans un cadre moins rigide. Pour éviter de se retrouver tous les mois systématiquement et quelque soit votre météo d’entreprise, et pourquoi pas de vous retrouver plusieurs fois par mois quand les perturbations météo l’exigent !
Conclusion ?
Je n’aime pas conclure systématiquement. Le but de mon article est d’ouvrir : une réflexion, des pistes, des réactions… La conclusion est destinée à fermer, même si il est de bon ton d’ouvrir sur d’autres sujets dans cette même conclusion.
Au lieu de conclure je vais vous proposer un autre exemple. Mon cadre personnel m’impose de relire les articles que je rédige souvent spontanément. Et bien, je sors du cadre ce soir : je n’aurai pas relu cet article en l’enregistrant ce soir. Je le ferai probablement plus tard, mais pas ce soir.
Salut mon Seb,
J’ai pris le temps de te lire, je ne te connaissais pas ce talent.
Je pense que c’est bien pour toi, d’utiliser l’écriture pour exhorter ce que tu penses des contradictions de ce monde (notes sur le discours des valeurs). C’est bien de s’interroger ainsi, je partage certaines de tes idées et interrogations dans l’ensemble.
N’hésite pas à me partager d’autres “brins d’humeur” 🙂